Innovation numérique : pourquoi tout le monde s'en fout !
Les statistiques auxquelles vous avez échappé
153 % des DSI pensent qu’ils ne sont pas assez reconnus par leur DG. Comment ça, 153 % ? Eh oui, certains le pensent plutôt deux fois qu’une...
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153 % des DSI pensent qu’ils ne sont pas assez reconnus par leur DG. Comment ça, 153 % ? Eh oui, certains le pensent plutôt deux fois qu’une...
Il y a des événements auxquels on n’échappe pas. Ainsi, chaque année, les cabinets d’études de marché et les fournisseurs communiquent avec enthousiasme pour nous faire part de leur vision technologique. Ce genre d’exercice se traduit par des informations du style « les dix prévisions technologiques dont vous avez oublié qu’on vous a servi les mêmes l’an dernier », « les dix prévisions qui nous arrangent parce que l’on a des solutions à vous vendre comme par hasard on ne l’a pas fait exprès, parole de commercial », ou encore « les dix prévisions dont vous ne pourrez pas dire qu’elles ne vont pas se réaliser tant elles sont évidentes ». C’est la technique bien connue des astrologues pour embobiner et fidéliser leurs clients. Hélas, souvent, pour nous autres DSI, ces prévisions ne nous sont guère utiles, en dehors de briller lors des dîners en ville. Aussi, je vous propose ma propre liste de prévisions que l’on pourrait intituler « Les huit prévisions qui vont vraiment vous tomber dessus, parole de DSI ! ».
• Les DAF vont augmenter leur propension à nous casser les pieds. Hélas, c’est plus qu’une prévision, c’est une certitude et ils ont déjà commencé. 2012 est arrivée à grands pas et les DAF ne passent pas pour une population vraiment créative et aventurière…
• Nous allons inventer un nouveau concept : le schéma directeur va être remplacé par un schéma giratoire. C’est normal, le premier indique une direction à suivre, mais comme la direction (générale) ne sait plus trop où elle va, il est pertinent d’élaborer le prochain schéma giratoire du SI : puisque la stratégie de l’entreprise tourne en rond, que la DG et les directions métiers ne savent plus quelle sortie emprunter, autant que le SI tourne en rond lui aussi. Au moins tout le monde sera aligné et tournera dans le même sens !
• Une nouvelle norme ISO va apparaître. On connaît la panoplie des normes ISO que l’on doit plus ou moins respecter, au moins pour obtenir des certifications que l’on rangera dans un placard. Une nouvelle norme va apparaître : la norme ISO budget. Le principe est simple : les DSI doivent conserver le même budget d’une année sur l’autre. Si on ne respecte pas cette nouvelle norme ISO ? Vous pourrez toujours vous reporter à la norme ISO 3529 (elle existe), celle qui régit la « technique du
vide » en milieu industriel. Elle peut aussi s’appliquer aux DSI, priés de vider leur bureau.
• Nous répondrons plus fréquemment à la question exprimée par l’un de nos collègues managers à propos du système d’information : « C’est quoi ce bordel ? » Même si ce n’est pas de la faute du DSI, les directions métiers, qui oublient vite qu’elles n’ont pas assez investi par le passé, vont découvrir les
conséquences de leur frilosité à moderniser leurs applications. Et reporter la responsabilité sur la DSI, bien sûr…
• On doit se préparer à une catastrophe. Il y a bien un utilisateur qui va faire une connerie. À force de nous expliquer que le BYOD (Bring Your Own Device) est l’avenir pour simplifier la gestion de parc, les utilisateurs, surtout à l’heure de l’Internet des objets et autres objets communicants, vont exiger de connecter leur quincaillerie au système d’information. Je crains que l’on ne commence par les consoles de jeux, voire les cafetières qui envoient des mails pour prévenir qu’il faut ajouter de l’eau.
• Nous devrons davantage lutter contre ceux qui veulent gérer eux-mêmes leurs applications métiers. Facile de souscrire à une application en SaaS… Tellement facile qu’il nous faudra contrôler tous ceux qui vont céder aux sirènes des éditeurs leur expliquant qu’on peut se passer des bras cassés de la DSI pour être enfin efficaces, avec des budgets raisonnables. Sinon, à l’instar du BYOD, on pourra inventer,
pour nos directions métiers, le DATAM (Démerde-toi Avec Tes Applications Métiers).
• Les fournisseurs vont devenir plus nerveux. Cela va se traduire par la multiplication des audits de licences et par une tendance, de la part de nos prestataires, à incruster leurs équipes dans nos murs. Je me suis laissé dire que Best Practices publiera dans un de ses prochains numéros un article pour sortir de cette situation qui peut devenir scabreuse.
• Une dernière prévision, facile celle-là. À la fin 2012, on ne sera pas plus avancé sur notre reconnaissance. Donc pas de faux espoirs, mes chers collègues, en 2012, comme en 2011, comme en 2010, comme en 2009, comme en 19xx et 20xx, les DG n’en auront toujours rien à faire du SI… •
Dans 12 % des entreprises, le poids de la maintenance dans le budget informatique a dépassé les 100 %. Résultat, 100 % des DSI concernés ont pu enfin prendre leurs RTT, n’ayant plus de projet à développer.
42 % des DSI font partie du comité de direction, mais 98,7 % d’entre eux s’y ennuient ferme.
Finalement, l’idée des Grecs de vendre leur patrimoine pour payer leurs dettes n’est pas si idiote. Il m’est souvent venu cette idée en tête. Quand on considère, en effet, le niveau de la dette technique que l’on a accumulée au fil des années, à force d’empiler les applications, de négliger le nettoyage du code développé par nos équipes qui avaient plus en tête le calcul de leur RTT que l’objectif de pérennité du système d’information et d’opter pour la solution de facilité qui consiste à payer des factures de tierce maintenance applicative, on se trouve dans une impasse. Sûr que si une agence de notation des systèmes d’information voyait le jour et scrutait l’état de notre système d’information, nous ne serions pas triple A.
À la rigueur (nous aussi on en a), nous atteindrions le niveau « Triple Andouille » pour avoir laissé filer les choses. Ou « Triple Buse » pour avoir cédé aux sirènes des fournisseurs qui nous ont incités à investir toujours plus au lieu de nettoyer l’existant. Mais tout n’est pas de notre faute. Comme les Grecs, nous avons été confrontés à la fraude fiscale (des utilisateurs qui consomment nos services sans les payer à leur juste prix), à la corruption (avec des directions métiers qui ont su nous convaincre que leurs projets devaient passer avant ceux des autres) et à une certaine douceur de vivre due au climat particulièrement clément de la DSI (avec des collaborateurs qui travaillent quand ils ont le temps).
Tout comme les Grecs, pour éviter d’en arriver à une telle extrémité, on peut adopter trois stratégies. La première consiste à s’endetter encore plus, en rejetant sur les générations futures de DSI les problèmes qui ont eux-mêmes été créés par les DSI qui nous ont précédés (si on les retrouve, ceux-là, je veux bien leur dire deux mots…). La deuxième : inciter ceux qui « notent » le système d’information, en clair les utilisateurs, les directions métiers et la direction générale, à ne pas trop dégrader notre image. Là, ce n’est pas gagné. Nos dernières enquêtes de satisfaction auprès de nos utilisateurs montrent une certaine dégradation : comme diraient les météorologues, on s’oriente vers une élévation des pressions qui devrait aboutir à une sécheresse du dialogue suivie, lorsque l’anticyclone montrera des signes de faiblesse, de pluies de récriminations qui ne suffiront pas à reconstituer la nappe phréatique de notre capital confiance. Troisième stratégie : convaincre plus de touristes de venir passer
leurs vacances dans le système d’information.
Mais là, on a déjà fait le plein : tout le monde à un poste de travail, voire deux, voire même trois avec les smartphones, voire quatre, avec les zozos du comité de surveillance qui ont réclamé des iPad pour montrer à leurs amis du CAC 40 que, eux aussi, ils sont intégrés dans l’entreprise numérique.
On s’en doute, aucune de ces stratégies ne peut fonctionner. La seule issue est donc de vendre notre patrimoine. Encore faut-il qu’il vaille quelque chose ! Hélas, à la différence des Grecs, il nous est difficile de jouer la carte archéologique. On se voit difficilement faire la promotion de notre système d’information en expliquant que le Parthénon de notre application de relation client était déjà utilisé il y a trois siècles (du temps du Web -4.0), que c’est en creusant pour consolider les fondations d’une nouvelle application que l’on a découvert les vestiges d’un ancien système expert dont l’intelligence artificielle n’a rien à envier aux dernières trouvailles des génies du Web 2.0, que les ruines de notre application logistique, si bien conservée après toutes ces années, sont en fait une oeuvre d’art à laquelle il convient de ne pas toucher, ou encore que dans les « théâtres antiques » du système d’information se jouent des réunions de pilotage de projets qui n’ont rien à envier aux tragédies grecques…
En attendant de vendre notre patrimoine à un infogérant amateur de vieilles pierres et pas trop regardant sur l’état de conservation de ce qu’il achète, on peut être sûr d’une chose : le DSI-Colosse
de Rhodes, réfugié sur son Mont Olympe (là où habitaient les dieux), n’a pas fini de courir le marathon.