Innovation numérique : pourquoi tout le monde s'en fout !
Les Experts à la DSI
J'ai une chance extraordinaire. L'un de mes amis, qui travaille dans une chaine de télévision m'a permis de visionner un épisode inédit de la série Les Experts. Vous savez, celle qui cartonne sur TF1... Je vous en livre en exclusivité l'essentiel des dialogues entre les enquêteurs, qui viennent d’arriver sur une scène de crime particulièrement horrible dans une grande entreprise industrielle.
- Qu'est-ce qu'on a ?
- Une seule victime... Un projet informatique, il travaillait là depuis trois ans. Reculez, Lieutenant ! C'est pas beau à voir...
- Qui a découvert la victime ?
- Un utilisateur qui s'inquiétait de ne pas avoir de livrables et qui est venu aux nouvelles. Il a trouvé la victime gisant dans une mare de spécifications. Non, vraiment, ce n’est pas beau à voir...
- On a des indices ?
- En fait, pas grand-chose. La victime travaillait sur des avenants qui allaient être révélés aux utilisateurs, mais rien d'important. D'après les utilisateurs que nous avons interrogés, des avenants, il y en avait en permanence, personne n'y faisait plus attention... Ils s'étaient résignés, à force.
- Et l'arme du crime ?
- Selon le consultant-légiste spécialiste des analyses post mortem, la victime est morte étranglée par un délai contondant, elle a également été frappée par un dépassement de budget aiguisé, égorgée avec un cycle en V, assommée par un livrable de 390 pages et, apparemment, achevée par un test grandeur nature qui lui est tombé dessus.
- C'est moche. Mourir si jeune…
- Heu… si jeune ? Pas tellement, d’après les premiers utilisateurs que l’on a interrogés, ça fait plus de trois ans que personne ne savait ce qu’il y avait dans ce projet.
- Demandez au légiste de chercher s’il y a des traces de pragmatisme dans le projet, si la victime consommait régulièrement des comptes rendus d’avancement, si des doses de bon sens ne lui auraient pas été injectées, ou s’il y a des traces de mauvaise foi(e). Dites aussi au légiste de pratiquer une analyse des besoins, ça peut être une piste pour identifier un suspect.
- Celui qui a fait ça s'est acharné...
- A mon avis, ils étaient plusieurs. Un tel degré de sauvagerie, on n’a jamais vu ça. Assassiner un projet informatique qui n’a jamais fait rien de mal.
- C’est peut-être justement pour ça qu’on l’a tué. Il devait coûter cher et ne rien rapporter… Quelqu’un s’en est aperçu et ne l’a pas supporté. On a déjà vu ça, souvenez-vous, Sergent, dans l’affaire du tueur en série de la Silicon Valley.
- Celui qui assassinait toutes les releases, la nuit pendant que les locaux étaient déserts ?
- Oui, rappelez-vous, on a eu du mal à la coincer, c’était un développeur parano-schizophrène obsessionnel compulsif atteint de stress post-traumatique et de dédoublement de la personnalité avec un MOA hypertrophié.
- Avez-vous trouvé des empreintes ?
- On a une empreinte carbone, mais c'est celle de la victime, c'était un projet de développement durable… A part ça, rien.
- Rien non plus du côté de la vidéosurveillance ?
- Non, le lieu du crime est une DSI, c'est une vraie tour d'ivoire, pas de caméras, tout le monde se connaît et les utilisateurs n'y pénètrent que rarement.
- Et l'enquête de voisinage, ça donne quoi ?
- On a interrogé des projets agiles, mais ils n'ont rien vu. Ils ne s’entendaient pas bien avec la victime qui était un projet de la vieille école…
A la fin de l’épisode, on ne sait toujours pas qui a assassiné le projet informatique : le nombre de suspects étant trop nombreux pour un format de cinquante-deux minutes. Et tout le monde a soit un alibi, soit un mobile ! De quoi rendre fou n’importe quel enquêteur…
Hélas, cet épisode ne sera jamais diffusé. Les producteurs ont en effet jugé que ce spectacle étant tellement insoutenable, il ne pouvait pas être diffusé à une heure de grande écoute. Et il serait interdit aux chefs de projet de moins de 45 ans... Comme il est écrit dans les génériques : certaines scènes sont susceptibles de heurter les âmes sensibles…
Il paraît que le marché mondial des services d’outsourcing aura atteint 251 milliards de dollars en 2012 si l’on en croit les doctes estimations de Gartner. Si je compte bien, ça fait quand même 688 millions de dollars qui sont chaque jour dépensé dans le monde par les entreprises et c’est autant de fric qui va dans la poche (que l’on dit profonde) des prestataires de services d’outsourcing.
Il parait que la fin de l’année s’annonce chaude pour les DSI. Plusieurs de mes estimés (sauf par leur DG…) confrères se sont retrouvés sur le carreau. Alors que, de l’avis de tous (sauf de leur DG…), ils sont loin d’avoir démérité. Je me suis donc « mis en veille professionnelle » comme on dit. Les annonces de recrutement de DSI ne courent pas les rues, ce sont plutôt les DSI qui courent après les annonces d’emploi.
C’est une épidémie… J’ai encore trouvé une invitation à rejoindre un club de DSI ! Ça commence à faire beaucoup. Certains diront que l’on est gâtés : on peut ainsi participer au club 01 DSI, au club Décision DSI, à CIOnet, au Club CIO, au club des DSI d’IDC, au Club CIO-CXO du Magit, au club Silicon DSI, à l’Agora des DSI… Et si j’étais africain, je pourrais en plus participer aux clubs d’AfroCIO. Sans parler de tous les événements auxquels nous sommes conviés, de feu l’IT Business Forum à Top DSI (tous les deux à Deauville, c’est dire si la profondeur des contenus est mise en avant…), en passant par les Entretiens d’Opio (au moins c’est au Club Med, l’organisateur sait recevoir…), et tous les pince-fesses (enfin, façon de parler parce que ça manque de DSI femmes…). Comme disait le regretté Coluche : « Jusqu’où s’arrêteront-ils ? ».
Comme les vacances d’hiver approchent, j’ai prévu de me reposer en emmenant de la lecture à la campagne, un endroit perdu au milieu de nulle part, dans le centre de la France. L’avantage ? C’est l’un des seuls lieux où le téléphone portable ne passe pas et où Internet n’est pas encore installé, dans les vieilles fermes auvergnates. Il me reste à choisir les ouvrages qui vont me tenir compagnie durant les trois semaines pendant lesquelles je vais m’extraire du monde des systèmes d’information. J’ai donc commencé à parcourir ma bibliothèque mais j’avoue que j’ai été particulièrement déçu. Moi qui voulais m’extraire de mon quotidien, je m’aperçois que, quelle que soit l’œuvre que je vais choisir, cela va me rappeler inévitablement le bureau.
Vous connaissez Quintus Cicéron ? Rassurez-vous, il n’était pas DSI à l’époque des Romains, ce métier n’existait pas encore, même si les ingrédients qui agrémentent la vie quotidienne des DSI d’aujourd’hui étaient déjà présents dans l’Empire romain en l’an 64 avant JC (soit l’an 2036 avant l’avènement de SAP), à savoir : la trahison, la guerre entre clans, la sourde vengeance, les batailles d’égo et autres joyeusetés caractéristiques de ces époques lointaines… Pourquoi je vous parle de Quintus Cicéron ? Parce qu’il a expliqué comment gagner une élection dans un petit ouvrage « Manuel de campagne électorale », Editions Arléa, dont je vous recommande fortement la lecture. Nous sommes donc en 64 avant JC et ledit Cicéron, candidat au poste de consul, a en face de lui six rivaux, tous aussi déterminés que lui à siéger dans la noble assemblée. C’est pourtant lui qui a gagné, à une très large majorité… Et les techniques qu’il a utilisées n’ont pas vieilli puisque, je vous l’affirme, tout DSI peut se les approprier, non pas pour gagner des élections, mais pour valoriser la fonction SI dans son organisation. Que faut-il faire ? Voici les dix trucs qui marchent à (presque) tous les coups.
La semaine dernière, j’ai reçu un e-mail « urgent » de notre directeur général qui annonçait une réunion extraordinaire du comité de direction. Bigre ! Va-t-il enfin nous annoncer sa démission « pour raisons personnelles » afin de profiter d’une retraite bien méritée au soleil d’un quelconque paradis fiscal ? Notre DAF aurait-il enfin compris qu’à force de manier des chiffres toute la journée cela finit par rendre dingo et annoncera-t-il son entrée imminente dans un établissement de long séjour avec sevrage de tableur Excel ? Notre directeur marketing aurait-il eu une révélation sur la vacuité de sa fonction et la fatuité du personnage qui l’occupe ? Notre DRH a-t-elle été victime d’un coup de blues après avoir essayé de lire dix fois « La gestion des talents pour les vraies nullardes » (Editions Dunoeu) sans comprendre plus de deux mots sur cinq dans la table des matières ? A moins que notre directeur général ne nous annonce que je suis viré sur le champ pour mauvais esprit et « critique non-constructive de décisions consensuelles », une formule qui serait du meilleur effet dans une lettre de licenciement.