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Chroniques Best Practices - Page 2

  • Curriculum vite !

    sehiaud-CV.jpgIl parait que la fin de l’année s’annonce chaude pour les DSI. Plusieurs de mes estimés (sauf par leur DG…) confrères se sont retrouvés sur le carreau. Alors que, de l’avis de tous (sauf de leur DG…), ils sont loin d’avoir démérité. Je me suis donc « mis en veille professionnelle » comme on dit. Les annonces de recrutement de DSI ne courent pas les rues, ce sont plutôt les DSI qui courent après les annonces d’emploi.

    Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, avec l’expérience, on arrive à lire entre les lignes. Je suis tombé sur l’une de celles-ci pour le recrutement d’un DSI et dont je vous livre le contexte : « Bonne expérience dans la gestion et l’exploitation d’environnements informatiques et le pilotage opérationnel d’une équipe. Autonome, responsable, vous faites preuve de rigueur, d’organisation, et savez être réactif et orienté solution. Votre forte analyse et votre esprit de synthèse, vous permettent d’identifier rapidement les dysfonctionnements ou les erreurs préjudiciables à votre activité. Résistant au stress, vous avez rapidement une vision globale, avec du recul, dans un souci d’efficacité. Vous avez un très bon relationnel, et savez-vous positionner de manière pertinente et adaptée. »

    Bon, là, avouez que ce n’est pas gagné pour la nouvelle recrue qui va mettre dans cette entreprise, dont l’annonce se garde bien de dire de qui il s’agit. Tout juste sait-on que c’est dans le sud de la France. « Autonome et responsable » : en clair, on va vous laisser vous débrouiller et vous ne pourrez compter sur personne. « Vous faites preuve de rigueur et d’organisation » : en clair, ça devait être le souk avec le prédécesseur. La preuve ? « Votre forte analyse et votre esprit de synthèse, vous permettent d’identifier rapidement les dysfonctionnements ou les erreurs préjudiciables à votre activité. » Là, c’est sûr, plus aucun doute, il y a des cadavres dans les placards. Et, cela va de soi, tout ce qui est préjudiciable à votre activité sera retenu contre vous pour vous virer avant la fin de la période d’essai. La preuve encore ? Il faut être résistant au stress. Et quand un recruteur écrit ça dans une annonce, ça veut dire qu’il faut être blindé et prêt à affronter tous les cataclysmes IT du monde. Sans oublier les aspects politiques, traduits par « se positionner de manière pertinente et adaptée. » « Pertinente » lorsqu’il s’agit d’avaler des couleuvres face à la DG sans faire de vagues (même si les couleuvres savent nager…). « Adaptée » lorsqu’il est temps de quitter le navire.

    Au quotidien, il va falloir faire preuve de ténacité. Parmi les missions demandées : « Tenir informé les utilisateurs sur les procédures à respecter pour contribuer à la fourniture d’un
    service de qualité. »
    Ils ne respectent donc aucun processus… ? « Analyser et contrôler la qualité effective de service rendu au client en pilotant des points de fonctionnement périodiques avec chaque client interne sur l’avancement du traitement de ses  demandes, la résolution des problèmes et le niveau de satisfaction des prestations fournies. » En plus, il y a du laisser-aller dans la qualité de service, il ne manquait plus que ça… « Garantir une assistance technique réactive et efficace aux utilisateurs pour la mise en œuvre et l’utilisation des environnements informatiques de Build » : là non plus, ça ne doit pas fonctionner de façon « réactive et efficace ». Surtout qu’il faut « veiller au respect des objectifs de délai et de qualité négociés pour les prestations de gestion des environnements. » Plus aucun doute : les dérapages sont quotidiens.

    Admettons. Tout ça, je peux le faire. Même pas peur ! Quand on a connu des collègues obtus, des utilisateurs de mauvaise foi, des fournisseurs rapaces, des collaborateurs aussi réactifs qu’une limace, on peut tout faire. Même à Marseille. Mais, en plus, le recruteur demande une connaissance fine des environnements techniques : de Solaris 8 à Linux, en passant par HP-UX, VMware et autres quincailleries, sans grand intérêt pour un DSI, de chez Oracle, EMC, HP et Cisco.

    Les nombreuses et inattendues chausse-trappes du management des SI, les dérives de la gouvernance, les pièges des schémas directeurs, les psychodrames des relations avec les métiers, l’incompétence de la DG, les négociations musclées avec les fournisseurs…. Tout ça, je veux bien, j’ai l’habitude. Mais replonger dans la technique, non merci ! Après toute l’énergie que l’on a consacrée à en sortir ! Je ne dois pas être le seul à réagir de la sorte, l’annonce de recrutement est en ligne depuis plus de trois mois !

     

     

     

     

  • Club pas Med

    sehiaud-cio.gifC’est une épidémie… J’ai encore trouvé une invitation à rejoindre un club de DSI ! Ça commence à faire beaucoup. Certains diront que l’on est gâtés : on peut ainsi participer au club 01 DSI, au club Décision DSI, à CIOnet, au Club CIO, au club des DSI d’IDC, au Club CIO-CXO du Magit, au club Silicon DSI, à l’Agora des DSI… Et si j’étais africain, je pourrais en plus participer aux clubs d’AfroCIO. Sans parler de tous les événements auxquels nous sommes conviés, de feu l’IT Business Forum à Top DSI (tous les deux à Deauville, c’est dire si la profondeur des contenus est mise en avant…), en passant par les Entretiens d’Opio (au moins c’est au Club Med, l’organisateur sait recevoir…), et tous les pince-fesses (enfin, façon de parler parce que ça manque de DSI femmes…). Comme disait le regretté Coluche : « Jusqu’où s’arrêteront-ils ? ».

    Et chacun rivalise pour nous attirer, le plus souvent dans un traquenard tendu par des fournisseurs avides de nous fourguer leurs documents commerciaux dont nous n’avons que faire, avec une forte proportion de commerciaux dont la longueur des chaussures pointues et inversement proportionnelle à leur finesse intellectuelle. Et, cela va sans dire, ils sont tous leaders. Par exemple, le Club Décision DSI « est la plus importante organisation européenne dans son domaine et  regroupe plus de 900 décideurs informatiques d’entreprises privées et d’entités  publiques de plus de 200  salariés localisées sur la  France entière. » Bigre ! De son côté, CIOnet affirme que, avec 3 500 DSI, c’est « la plus grande communauté de dirigeants informatiques en Europe ». Faudrait savoir ! A priori, 3 500, c’est plus que 900, mais on peut se tromper, nous autres, DSI, c’est bien connu, ne sommes pas trop à l’aise avec les chiffres.

    Le Club CIO France, lui, se définit comme le « premier réseau social exclusivement réservé aux managers des systèmes d'information. »  Mince, encore un premier de la classe ! De son côté, le réseau CIO/CXO « permet de profiter d'un contenu exclusif orienté sur la valorisation business du SI, de connaitre en temps réel le niveau de participation et l'engagement de vos pairs, d'intégrer des communautés d'échange sur et autour des conférences, de rencontrer nos partenaires autour de vos problématiques métiers. » Bon, là, on ne comprend rien, sauf que les fournisseurs vous attendent au tournant…

    On remarquera que quatre entreprises concurrentes utilisent la même dénomination : CIO. Le site Web Magit, l’autre site Web CIO, le réseau social CIOnet et CIOMag. Comment voulez-vous que l’on s’y retrouve ? Comme élément différenciateur, on pourrait trouver mieux et n’importe quel étudiant d’une école de commerce de seconde zone qui proposerait à quatre entreprises concurrentes de promouvoir un marque identique se verrait probablement recaler à ses examens pour n’avoir rien compris à l’avantage compétitif d’une entreprise.

    En attendant, et à supposer que notre emploi du temps sous en laisse la possibilité, où faut-il aller ? J’avoue que je ne sais pas. Ils sont certes très sympathiques, tous ces organisateurs, mais qu’avons-nous à y gagner ? Je passe sur le cas de certains de nos collègues, relégués à dans des placards et qui ont tout intérêt à en sortir pour aller se restaurer gratuitement matin, midi et soir. Mais nous avons de moins en moins la possibilité de passer notre temps dans des clubs.

    Je me vois mal expliquer à mon DG, qui, pourtant est amateur de clubs, y compris les plus louches et licencieux, que je consacre la moitié de mon temps de travail à musarder dans les grands hôtels pour récupérer quelques cartes de visites de commerciaux et des docs produits que je pourrais obtenir par un simple coup de fil ou quelques minutes de surf sur le Web. Si encore nous avions du contenu pertinent, ça serait toujours ça de gagné ! Même pas… Tous ces clubs fonctionnent sur de l’éphémère, du superficiel,  du court terme, bref, du vent… ! Ça serait bien que l’on nous concocte un « club des clubs », pour que l’on se déplace une seule fois. C’est bien suffisant… On aurait donc besoin d’un autre CIO comme Centre d’Information et d’Orientation. Ah ? On me dit que c’est pris, que ça existe et que c’est un ministère qui s’en occupe. Nous voilà bien avancés…

  • Qui a lu verra

    sehiaud-livres.jpgComme les vacances d’hiver approchent, j’ai prévu de me reposer en emmenant de la lecture à la campagne, un endroit perdu au milieu de nulle part, dans le centre de la France. L’avantage ? C’est l’un des seuls lieux où le téléphone portable ne passe pas et où Internet n’est pas encore installé, dans les vieilles fermes auvergnates. Il me reste à choisir les ouvrages qui vont me tenir compagnie durant les trois semaines pendant lesquelles je vais m’extraire du monde des systèmes d’information. J’ai donc commencé à parcourir ma bibliothèque mais j’avoue que j’ai été particulièrement déçu. Moi qui voulais m’extraire de mon quotidien, je m’aperçois que, quelle que soit l’œuvre que je vais choisir, cela va me rappeler inévitablement le bureau.

    SI je retiens « Les Misérables » de Victor Hugo ou « La peau de chagrin », de Balzac, cela va me rappeler ma situation budgétaire et, dans la perspective de la rentrée, ce n’est pas le moment… Si je préfère « 20 000 lieues sous les mers » de Jules Verne, cela va me faire penser à l’état d’avancement de notre projet de déploiement d’un ERP au niveau mondial… Si je sélectionne « Les causes perdues », de Jean-Christophe Rufin, je vais sûrement ruminer mes arguments pour disposer de plus de moyens en septembre…

    Si je choisis « Le dernier jour d’un condamné », de Victor Hugo, « La bête humaine » d’Emile Zola  ou « Le coup de grâce » de Maurice Druon, je vais penser à ma situation personnelle et passer mes vacances à refaire mon CV… Si je privilégie « Crimes et châtiments » de Dostoïevski, je ne pourrais m’empêcher de me remémorer l’ambiance de suspicion qui règne dans l’entreprise dès lors que l’on parle de la DSI, notamment de la part des utilisateurs qui se posent en victimes face aux contraintes qu’on leur impose. Si j’opte pour « L’assommoir » d’Emile Zola, les souvenirs des derniers comités de direction vont resurgir à la surface de mon cerveau déjà fragile.

    Si je penche pour « La plus haute des solitudes », de Tahar Ben Jelloun, je vais partir en vrille sur les difficultés de notre métier. Si mon choix se porte sur « Dr No » de Ian Fleming, je vais croire qu’il s’agit de la biographie d’un expert-comptable qui a endossé un costume de DAF au service secret de sa Majesté le DG. Si j’ai une prédilection pour « Autant en emporte le vent » de Margaret Mitchell, cela me fera penser à la dernière « expression des besoins » concoctée par je ne sais plus quelle direction métier. Si je me décide pour « Les liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos, je vais devoir méditer sur les relations clients-fournisseurs. Si je me prononce pour « Esquisse d'une philosophie du mensonge » de Jean-François Kahn, je risque de passer en revue tous les consultants à qui j’ai fait appel et qui m’ont pris un peu de mon budget. Je ne vais pas aimer… Si je prends « Drame en trois actes » d’Agatha Christie, je vais me souvenir du dernier projet planté et, à la différence d’Agatha, on n’a jamais trouvé le coupable.  

    Finalement, j’ai opté pour « Pars vite et reviens tard » de Fred Vargas et « Ca ira mieux demain », de James Hadley Chase. Le premier parce qu’il est effectivement toujours préférable de partir très vite sous d’autres cieux et de revenir le plus tard possible ; le second parce qu’il faut toujours conserver une bonne dose d’optimisme quoi qu’il arrive ! Et rappelez-vous que, comme disait Coluche, « C’est pas plus mal que si c’était pire ! »…

  • Votez Séhiaud !

    sehiaud-ciceron.jpgVous connaissez Quintus Cicéron ? Rassurez-vous, il n’était pas DSI à l’époque des Romains, ce métier n’existait pas encore, même si les ingrédients qui agrémentent la vie quotidienne des DSI d’aujourd’hui étaient déjà présents dans l’Empire romain en l’an 64 avant JC (soit l’an 2036 avant l’avènement de SAP), à savoir : la trahison, la guerre entre clans, la sourde vengeance, les batailles d’égo et autres joyeusetés caractéristiques de ces époques lointaines… Pourquoi je vous parle de Quintus Cicéron ? Parce qu’il a expliqué comment gagner une élection dans un petit ouvrage « Manuel de campagne électorale », Editions Arléa, dont je vous recommande fortement la lecture. Nous sommes donc en 64 avant JC et ledit Cicéron, candidat au poste de consul, a en face de lui six rivaux, tous aussi déterminés que lui à siéger dans la noble assemblée. C’est pourtant lui qui a gagné, à une très large majorité… Et les techniques qu’il a utilisées n’ont pas vieilli puisque, je vous l’affirme, tout DSI peut se les approprier, non pas pour gagner des élections, mais pour valoriser la fonction SI dans son organisation. Que faut-il faire ? Voici les dix trucs qui marchent à (presque) tous les coups.

    1. « Tracer une vision d’ensemble, rationnellement ordonnée, d’idées qui, dans la pratique, apparaissent isolées et confuses. » Un schéma directeur dès l’époque romaine, finalement, ils ne sont pas fous ces romains ! Ils ont tout inventé du management moderne.

    2. Pour exprimer les vrais enjeux, Quintus Cicéron suggère de répondre à trois questions fondamentales : « De quoi s’agit-il ? A quoi es-tu candidat ? Qui es-tu ? ». Pour un DSI, l’équivalent de « Je suis un homme nouveau, je suis candidat au consulat et c’est de Rome qu’il s’agit » pourrait être : « Je suis un manager nouveau, je suis candidat pour améliorer la performance du SI et c’est de la survie de l’entreprise dont il est question. » Voilà qui est dit !

    3. « Veille à ce que l’on voie bien le nombre et la diversité de tes amis et veille à t’assurer de tous ces appuis le moment venu, et fais-leur savoir combien tu les estimes. » C’est vrai qu’il n’est pas inutile de rappeler de temps en temps que le comité de direction et la DG soutiennent le DSI. Même si ce n’est pas tout à fait vrai…

    4. « Puisque tu vises le plus haut poste de l’Etat et que tu es conscient des ambitions qui contrarient les tiennes, fais preuve de méthode, de soin et de vigilance dans ton activité. » C’est préférable, en effet, avec tous les olibrius, bras cassés et autres incompétents qui occupent les couches de management (certains même en tiennent une, de couche).

    5. « Quand on fait campagne pour un poste, il faut s’assurer scrupuleusement de deux choses : le dévouement de ses amis (fruit des bienfaits et services rendus) et la sympathie populaire. Il faut se faire des amis dans toutes les catégories sociales.  Si les hommes n’étaient pas des ingrats, tout cela devrait t’être acquis ». C’est pas gagné, l’ingratitude des utilisateurs étant l’ennemie de tous DSI…

    6. « Une fois que tu te seras assuré le soutien des hommes ambitieux, donc les plus en vue dans leur tribu, quand tu auras recruté des partisans parmi ceux qui ont, par leur position, gagné de l’influence sur telle ou telle partie de leur tribu, tu seras fondé à nourrir les espoirs les plus sérieux. » Reste à bien faire le tri entre la tribu des ressources humaines, la tribu des financiers, la tribu des commerciaux…

    7. « Quelle gloire, quel honneur si tu as à tes côtés tous ceux que tu as défendus, sauvés et libérés des charges qui pesaient sur eux ! » C’est vrai qu’ils ne connaissent pas leur bonheur, de ne pas mettre les mains dans le cambouis technologique…

    8. « Ce qui est indispensable, c’est de connaitre le nom des électeurs, de savoir les flatter, d’être assidu auprès d’eux, de se montrer généreux, de soigner sa réputation et de susciter, pour la manière dont on conduira les affaires de l’Etat, de vifs espoirs. Mets-toi bien dans l’esprit qu’il va te falloir faire semblant d’accomplir avec naturel des choses qui ne sont pas dans ta nature. Il faut veiller à ce que l’on place en ta politique de sérieux espoirs » Faire semblant ? Pas de problème, c’est dans mes gênes. Et avec naturel, s’il vous plaît !

    9. « Ce que tu peux faire pour quelqu’un, montre que tu le fais avec empressement et plaisir. Ce que tu ne peux pas faire, refuse-le courtoisement, ou mieux, ne le refuse pas : tous, et c’est la mentalité générale, préfèrent un mensonge de ta part plutôt qu’un refus. » Tout le monde est le bienvenu pour commander des projets à la DSI. On ne refuse jamais, on leur ment juste sur les délais. Mais c’est pour la bonne cause !

    10. « La colère de celui à qui on a menti est bien la dernière chose à prendre en considération. » Heureusement. Chez nous, on utilise depuis longtemps le référentiel CTTMI, qui signifie non pas « Customer Transactional Technology Management Interface », mais « Cause Toujours Tu M’Intéresses » ! Les romains l’avaient aussi…

  • Je passe encore mon tour...

    sehiaud-dvtdurable.jpgLa semaine dernière, j’ai reçu un e-mail « urgent » de notre directeur général qui annonçait une réunion extraordinaire du comité de direction. Bigre ! Va-t-il enfin nous annoncer sa démission « pour raisons personnelles » afin de profiter d’une retraite bien méritée au soleil d’un quelconque paradis fiscal ? Notre DAF aurait-il enfin compris qu’à force de manier des chiffres toute la journée cela finit par rendre dingo et annoncera-t-il son entrée imminente dans un établissement de long séjour avec sevrage de tableur Excel ? Notre directeur marketing aurait-il eu une révélation sur la vacuité de sa fonction et la fatuité du personnage qui l’occupe ? Notre DRH a-t-elle été victime d’un coup de blues après avoir essayé de lire dix fois « La gestion des talents pour les vraies nullardes » (Editions Dunoeu) sans comprendre plus de deux mots sur cinq dans la table des matières ? A moins que notre directeur général ne nous annonce que je suis viré sur le champ pour mauvais esprit et « critique non-constructive de décisions consensuelles », une formule qui serait du meilleur effet dans une lettre de licenciement.

    Habituellement, il me remonte quelques bruits de couloir, j’ai mes sources à la DRH. Mais là, rien… Pas l’ombre d’un ragot, ni de frémissement d’une rumeur, ni d’apparition furtive d’une « information-exclusive-je-te-l’ai-pas-dit »

    Trois jours plus tard, nous voilà tous assis autour de la table qui trône au milieu de la plus grande salle de réunion. Après les banalités d’usage, Pierre Henri Sapert-Bocoup consent à nous exposer les raisons de cette réunion inhabituelle pour un vendredi après-midi, jour pendant lequel au moins la moitié du comité de direction passe quelques heures sur un terrain de golf.

    « Un chef d’entreprise doit changer les manières de faire et transformer les modèles économiques, facteurs de performance d’une organisation », commence notre DG. On ne voit toujours pas où il veut en venir, c’est un début de discours qu’il a déjà servi lors de la réunion avec les analystes financiers, qui se contentent pour la plupart de ce genre de banalités avant de massacrer notre cours de bourse. Il poursuit : « Il est une fonction stratégique dans l’entreprise que je souhaite considérablement renforcer… » Humm… Tout le monde se regarde et pense la même chose : il y a de la promotion dans l’air !

    « J’ai ici la fiche de poste d’un manager que je considère comme l’un des plus importants dans l’entreprise. Les talents nécessaires à l’accomplissement de ses missions sont nombreux. Il s’efforce de réconcilier de multiples dimensions quand d’autres se décourageraient face à la complexité de l’équation ». C’est tout moi, ça…

    « Il alerte à bon escient, transforme avec peu de moyens, donne le cap et embarque ses pairs sans être leur supérieur hiérarchique, ne fait-il donc pas preuve de capacités de leadership hors du commun ? »  Quand on vous le dit, c’est mon portrait craché !

    « Pourquoi ne pas placer ce manager au cœur des décisions stratégiques qui orientent l’avenir de l’entreprise ? continue notre DG, celui ou celle qui conjuguera les connaissances tirées de postes de leadership opérationnel préalablement occupés, avec une intelligence multidimensionnelle, sera un candidat de premier rang au poste de directeur général ». Et voilà le travail ! N’est-ce pas le résultat de plusieurs années de travail acharné pour faire reconnaître la fonction de DSI dans l’entreprise ? Après tout, DG ne doit pas être plus fatigant que DSI… Au moment où tout le monde retenait son souffle et où chacun imaginait la nouvelle décoration de son nouveau bureau, notre DG nous a expliqué, après quelques secondes de suspens, qu’il allait recruter un directeur… du développement durable ! Et il nous a distribué à tous une petite brochure d’une dizaine de pages, dans laquelle j’ai retrouvé mot pour mot les éléments de son discours. Une brochure éditée par un grand cabinet de conseil et intitulée : « Attention, espèce protégée en voie d’apparition, le directeur du développement durable, futur président. » Évidemment, cela n’est pas tombé sur moi…

    Apparemment, l’affaire lui a été vendue par des consultants qui ont insisté pour confier les sujets de la durabilité à des « cadres nécessairement exceptionnels », en français dans le texte. De quoi mettre un vernis de modernité sur des pratiques de management plutôt archaïques, un soupçon de vert dans le discours servi aux actionnaires, et faire passer notre DG pour quelqu’un de socialement responsable. Encore raté pour la promotion du DSI aux plus hautes fonctions…

     

     

     

     

     

     

     

  • Régime Ducon ®©, pour vous servir…

    sehiaud-obesité.jpgNotre bien-aimé directeur général, Pierre-Henri Sapert-Bocoup n’aura jamais si bien porté son patronyme. Non pas qu’il ait encore creusé les pertes lors du dernier exercice fiscal, ça, il le fait tous les ans. Mais parce qu’il a perdu une bonne vingtaine de kilos superflus, grâce à la méthode Ducon®©, du nom d’un célèbre gourou qui s’est reconverti dans le business des régimes amaigrissants. A l’issue du dernier comité de direction, il (mon DG, pas le gourou) m’a expliqué les effets spectaculaires de cette méthode miracle, digne des meilleurs effets spéciaux jamais produits, même dans la grotte de Lourdes.

    - Vous devriez, mon cher Séhiaud, dénicher un régime similaire pour faire maigrir notre  système d’information, dont je trouve qu’il a plutôt grossi ces derniers temps. Je dirais même qu’il est un peu bouffi, vous ne trouvez pas ?

    - Heu, si, peut être…

    Je me suis abstenu de lui rétorquer que, si nous en sommes là, c’est probablement à force d’être alimenté en permanence par des projets demandés par les directions métiers, qui ne se privent pas de les saupoudrer de technologies sucrées, de forcer sur de grasses fonctionnalités, le tout agrémenté de sauces politiques des plus aigres et gavées de cholestérol qui rendent les DSI hypertendus… Je me suis également abstenu de lui préciser que si son tour de taille avait diminué ce n’était pas le cas de ses chevilles…

    Mais, finalement, l’idée d’un régime amaigrissant ne semble-t-elle pas judicieuse ? On pourrait ainsi imaginer une déclinaison pour les SI, à l’image de toutes les méthodes plus ou moins efficaces que l’on trouve sur le marché pour affiner sa silhouette. On aurait ainsi le régime MontignaaS, dans lequel on allège toutes les applications en les envoyant dans les nuages, l’hyperprotéiné en Open Source pour doper le TCO (Transforming Computer Obesity), le basses calories, très pauvre en nouvelles versions de logiciels et allégé en coûts de maintenance (dont on sait que c’est la première cause de mortalité des systèmes d’information), ou encore le régime californien, très riche en solutions de startup pas chères.

    Le régime Wait Watchers, lui, serait basé sur le fait qu’avant de lancer chaque projet, on attendrait au moins six mois pour voir si les utilisateurs sont toujours si impatients de voir leur application enfin livrée. Probablement que, dans un cas sur, deux, ils se seront fait une raison, d’où une sacrée économie de lignes de codes dont on sait que, à l’instar du mauvais cholestérol, elles s’accumulent pour boucher les artères réseaux. Pourquoi ne pas également imaginer un régime crétois pour ceux qui ont beaucoup de dette technique à éliminer ? Ou encore le régime « Citron détox » qui laisse un goût amer quand on découvre la pauvreté des applications développées…

    Je vous propose, pour savoir si votre système d’information est en surpoids, d’utiliser la même formule que pour les individus : l’indice de masse corporelle. Pour un individu, c’est le rapport entre le poids et le carré de la taille. Et pour un système d’information ? Plusieurs indicateurs, à suivre dans le temps, sont possibles : le rapport entre le nombre de lignes de codes et le carré du nombre d’utilisateurs (tiens, je suis curieux de faire le calcul…) ; le rapport entre le nombre d’applications et le carré du nombre de business units ou encore le rapport entre le nombre de réunions projets et le carré du nombre d’applications (avec celui-là, à coup sûr, on est tous en surpoids, limite obésité si les réunions s’éternisent…).

    J’attends avec impatience les inévitables témoignages utilisateurs dont les promoteurs de régimes amaigrissants nous abreuvent, du style : « Moi, DSI, 45 ans, en surpoids informationnel depuis 2001, l’éclatement de la bulle Internet n’y ayant rien fait, j’ai adopté le régime Ducon®© et j’ai perdu en moins d’un exercice fiscal la moitié de mes applications, les deux-tiers de mes lignes de codes et mon budget a fondu d’un quart. Je me sens beaucoup mieux ! »

    Tu m’étonnes ! Y’a plus qu’à s’y mettre…

     

     

  • Cloud toujours, tu m’intéresses…

    sehiaud-cloud.jpgTous les médias en mettent une couche très régulièrement sur le cloud computing. C’est paraît-il, une tendance lourde. Effectivement, à voir (à défaut de les lire) tous les articles publiés sur ce sujet, ça commence à être lourd, voir lourdingue, comme dirait Joseph Inebecker, notre délégué de la FUC (Fédération unitaire con-fédérale) à propos des discours du notre DG lors des comités d’entreprises.

    Chez Moudelab & Flouze Industries, mon entreprise bien-aimée leader sur son marché de la boulonnerie-visserie-quincaillerie industrielle, nous avons testé le mode cloud depuis longtemps. D’abord avec la messagerie, chez gogoloops.com, ensuite avec le CRM chez pasdeforce.com, un petit acteur qui a du mal à se faire un nom. Je pousse d’ailleurs toutes les directions métiers à regarder de près les offres en SaaS avec toutes ses déclinaisons possibles. Car ça fait longtemps que j’ai compris que l’externalisSaaSion constitue une bonne solution. Non pas pour mieux répondre aux besoins des directions métiers (même si c’est ce qu’on leur dit officiellement et droit dans les yeux, bien sûr), mais, surtout, pour accroître mon potentiel IT (Indice de Tranquillité).

    Car n’oublions jamais, mes chers confrères, que pour un DSI, externaliser les emmerdements sur des tiers constitue une excellente solution pour préserver son avenir. J’ai ainsi définitivement éradiqué les récriminations des utilisateurs à l’égard de leur messagerie, et de plus ils peuvent stocker toute leur prose avec les 25 Go qui leur sont alloués. Et j’en ai profité pour mettre aussi dans le cloud mon équipe d’administration des serveurs de messagerie. Ils sont désormais utilisateurs actifs du service SaaSsedic.com. Pour le CRM, c’est la direction marketing qui a pris l’initiative et je me suis bien gardé de les dissuader… Il faut dire que les commerciaux de pasdeforce.com ont été très persuasifs, notamment en dénigrant les capacités de la DSI à satisfaire leurs besoins dans des délais courts et sans créer des usines à GaaS.

    Je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. J’ai lu dans un guide sur le cloud computing,  largement diffusé (vous l’avez peut-être sur votre bureau) par un de mes fournisseurs spécialisé dans le stockage, la phrase suivante, garantie véridique, nos amis d’EMC m’excuseront de ne pas les citer : « La longue et inéluctable marche vers le cloud computing est désormais en marche ». Je dirais même plus ! comme nous l’affirmeraient les Dupont & Dupont de la high tech. Bon, c’est sûr, « quand la longue marche est en marche, c’est sûr que ça marche, et réciproquement », aurait renchéri le fameux poète Lao Tsour Sing, illustre spécialiste du sujet. Une pensée aussi profonde a certainement nécessité quelques heures de réunion pour en peser tous les termes et veiller à ce que le lecteur attiré par ce sous-titre accrocheur comprenne bien la signification intrinsèquement cloudificatrice d’une telle affirmation, digne d’une autre longue marche, celle du penseur révolutionnaire MAO Céding (alias « MAîtrise d’Ouvrage, c’est fou !», en français dans le texte) qui avait affirmé bien avant l’heure (il fonctionnait en 24/24/7/7) que « Quand le SaaS est ouvert, la lumière inonde celui qui jacasse.»

    Je vous vois venir, notamment ceux qui s’accrochent à leur fauteuil trônant au milieu d’une salle machine dont ils se considèrent comme le meilleur rempart contre les hordes de fournisseurs, avec leur slogan fétiche : « SaaS passera pas comme ça ». « Et lorsque nous aurons migré toutes nos applications en mode SaaS, que nous restera-t-il ? », me rétorquerez-vous. C’est simple, il nous (vous) restera la tranquillité, la vraie.

    On peut même aller plus loin. Depuis que nous avons migré quelques applications en SaaS, le taux d’utilisation de ces applications a considérablement augmenté. Je vais donc demander à notre DAF et à notre DG d’être moi aussi payé selon le principe du SaaS : à l’usage ! Ainsi, à mesure que le système d’information sera de plus en plus utilisé, je gagnerai moi aussi beaucoup plus. Mais je doute quand même que cette audacieuse mesure de saine gestion des ressources humaines ait du succès. En attendant, je peux toujours rêver de mettre mon directeur général en mode CaaS-toi !

     

     

  • Votre boss est un tyran ? Faites-en autant !

    sehiaud-boss.jpgDe temps en temps, entre deux réunions de comité de pilotage, il m’arrive de me plonger dans des lectures sérieuses. J’entends autres que les innombrables newsletters IT que nous recevons par mail tous les jours ou que les magazines sponsorisés par des fournisseurs « leaders sur leur marché selon le cabinet ForrestGartdata et son dodécagone magique ». Pour les ignares, je vous rappelle que le dodécagone est une figure de géométrie qui comporte douze sommets et côtés, possède 54 diagonales et la somme de ses angles est égale à 1 800°. Si avec ça, on n’est pas leader sur au moins un des sommets…

    Bref, je me suis plongé dans la lecture d’un des numéros de l’excellent mensuel Le Monde Diplomatique (numéro de février 2012, dont je vous recommande la lecture, oui... je sais j'ai du retard dans la lecture des anciens numéros...). L’un des articles m’a d’emblée interpellé. Son titre, accrocheur : « Comment les tyrans prennent leurs décisions. » Ce sujet m’a semblé d’actualité, tant notre DG se comporte, non pas en dictateur, n’allons pas jusque-là, mais, pour rester politiquement correct, se montre pour le moins directif. D’aucuns diront qu’il est casse-c…, certains que c’est une tête de c…, d’autres que c’est un fieffé c… Remplacez la lettre c… par ce que vous voulez, selon votre inspiration.

    Cet article, basé sur la triste réalité de l’Irak de Saddam Hussein et de la Syrie d’El Assad, permet de lister les quinze caractéristiques des circuits de prise de décision dans des dictatures elles aussi « leaders sur leur marché selon le cabinet Nass-Yonzuni ». Si dans votre entreprise vous repérez ces caractéristiques, vous avez deux options : soutenir le régime ou mener la révolution. Dans les deux cas, vous êtes foutu : soit vous serez viré lors du prochain coup d’état des actionnaires, soit vous passerez pour un traître aux yeux de vos clients internes… Reste une voie de sortie : devenir vous-mêmes un tyran. Je sens que certains d’entre vous brûlent d’impatience de savoir à quoi s’en tenir et comment passer du statut de victime à celui de bourreau. Voici donc les trucs, astuces et autres bonnes pratiques des meilleurs dictateurs du monde !

    1. Bâtissez une bureaucratie centralisée, avec un fonctionnement pyramidal. Rien de tel pour contrôler tout ce qui se passe dans la DSI. C’est bien connu, l’esprit d’initiative et l’autonomie des collaborateurs n’amènent que des ennuis pour leur chef suprême…

    2. Minimisez les ordres écrits : tout ce qui est consigné sur papier ou dans des e-mails pourra se retourner un jour contre vous. C’est bien connu, vous n’aimez pas la contradiction, surtout de la part de subordonnés. Et le langage oral facilite les petits arrangements entre amis.

     

    3. Eliminez les ordres du jour pour chaque réunion : certes, cela contredit le premier principe (la bureaucratie centralisée) mais, là encore, c’est le meilleur pour éviter que l’un de vos collaborateurs ne mette en exergue certaines incohérences voire de franches contradictions dans vos actions et le suivi des dossiers.

    5. Ne tolérez aucun points de vue pessimistes : ils minent le moral de tout le monde. Le mot d’ordre est donc de positiver.

    6.  Bannissez toute discussion sérieuse sur les sujets vitaux, source d’ennuis potentiels pour les chefs. C’est le risque que quelqu’un ait une bonne idée pour résoudre un problème (voir point 9).

    7. Instituez le culte de la personnalité : c’est la moindre des choses, si vous êtes chef c’est que vous le méritez ! N’allez tout de même pas jusqu’à afficher votre photo dans les couloirs de la DSI...

    8. Ne freinez pas vos délires de grandeur, dépensez tout votre budget et ne lésinez pas sur les modules d’ERP ou de bases de données, ils serviront toujours un jour ou l’autre. Pensez également à faire appel aux consultants les plus chers.

    9. Eliminez toute opposition et tout concurrent susceptible d’avoir une influence suffisante, c’est quand même vous le patron…

    10. Mettez systématiquement chaque mauvaise décision sur le compte de quelqu’un d’autre, par définition le chef a toujours raison.

    11. Soyez toujours détaché de la réalité, elle est souvent difficile à affronter. Laissez vos collaborateurs gérer l’intendance et les ennuis qui vont avec.

    12. Adaptez-vous rapidement aux situations nouvelles… en changeant d’avis avec le plus d’aplomb possible.

    13. Instituez des processus décisionnels imparfaits, la transparence est l’ennemi du tyran.

    14. Face aux problèmes, privilégiez les solutions provisoires, cela permet d’agir vite et de créer l’illusion du dynamisme.

    15. Etablissez un système de récompense et de sanctions pour vos collaborateurs, principe de base de tout régime autocratique.