Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

OLIVIER SEHIAUD - Ma vie de DSI... - Page 31

  • Wonderful Open World

    Je n’assiste généralement pas aux conférences auxquelles nos fournisseurs préférés nous invitent régulièrement. J’ai déjà donné : entre la langue de bois, les présentations interminables Powerpoint et les commerciaux avant-pendant-après vente pots de colle, je préfère rester dans mon bureau. On y trouve aussi de la langue de bois (la DG n’est pas en reste), des collections de slides (pour les comité de pilotage projets notamment) et des collaborateurs pots de colle (souvent pour des motifs futiles d’ailleurs).

    Mais, au moins, nous sommes dans un environnement familier. De temps en temps, je fais quand même un effort. Cette fois, il s’agissait d’une conférence sur l’Open Source. Question changement d’univers, je n’ai pas été déçu. J’ai crû retrouver la magie d’Eurodisney (j’y suis allé le mois dernier avec les enfants) : un esprit communautaire très présent, une culture de partage, un altruisme omniprésent, bref un « wonderful world » que les orateurs successifs (tous de fervents supporters du logiciel libre) se sont attachés à mettre en exergue. « Tout le monde travaille pour tout le monde, au meilleur coût et tout le monde aide tout le monde en corrigeant les bogues dès qu’ils apparaissent ».

    Pourquoi pas ? En soi, l’Open Source est une bonne chose, avec de solides socles technologiques : nous l’avons d’ailleurs mis en œuvre pour nos applications internet et cela fonctionne très bien. Et je ne vous parle pas des coûts, qui ont vraiment fondu, ce n’est pas pour déplaire à notre DAF. Non, ce qui me gêne, c’est le substrat idéologique qui s’insinue inévitablement dans chaque débat sur le logiciel libre. Et gare à celui qui ose émettre un quelconque doute, de bonne foi ! C’est relativement agaçant pour les DSI car, comme tout dogmatisme, nous pouvons être induit en erreur au nom de principes qui n’ont souvent rien à voir avec la réalité du business, de nos coûts et de nos organisations.

  • Ca n’a rien de personnel

    Il a deux phrases qui me font toujours sourire. Elles sont la plupart du temps prononcées par les top managers qui s’adressent à leurs subordonnés en instance de placardisation ou de voyage aller simple vers l’ANPE. La première est : « cela n’a rien de personnel ». En vigueur plutôt dans les entreprises anglo-saxonne, cette petite phrase est toujours associée à une mauvaise nouvelle et sert d’excuse à celui qui la prononce : « tu es viré mais cela n’a rien de personnel ». Bref, il ne s’est rien passé et restons bons amis. Inutile de dire que personne ne croît que « cela n’a rien de personnel » !

    La seconde expression que l’on retrouve régulièrement est la suivante : « je vous renouvelle ma confiance ». C’est presqu’à coup sûr le prélude à une mauvaise nouvelle, mais différée. On emploie en effet « je vous renouvelle ma confiance » avant le « ça n’a rien de personnel ». Entre les deux, peuvent s’écouler quelques semaines, voire quelques mois, mais jamais quelques années. Les statistiques sont formelles : tous ceux à qui l’on a renouvelé la confiance se sont fait viré dans un délai inversement proportionnel à la taille de l’entreprise. On l’observe en politique : un premier ministre à qui le Président de la République renouvellera sa confiance n’en aura plus pour longtemps. Amis DSI, si, un jour, votre DG vous renouvelle sa confiance, c’est que probablement vous êtes sur un siège éjectable. Mais rassurez-vous : dans tous les cas, cela n’aura rien de personnel…

  • Hors frais de service

    J’adore les publicités pour les compagnies aériennes, surtout lorsqu’elles se revendiquent « low cost ». La stratégie qui consiste à annoncer un prix puis à écrire, en tous petits caractères, que ce prix attractif ne comprend pas les taxes, les frais de dossiers et autres petits prélèvements obligatoires est vraiment maligne ! J’aimerai pouvoir en faire autant. Imaginez que nous annoncions le coût d’un grand projet à notre comité de direction, avec un total défiant toute concurrence. Par exemple : l’ERP aller-retour à 50000 euros ! Applaudissements nourris à ma droite, du coté du DAF et de la direction générale, à ma gauche du côté du marketing et de la direction logistique. Il suffirait de cacher, en caractères 8, un petit texte illisible, sauf à porter des verres progressifs et à se positionner à moins de dix centimètres du dossier.

    Par exemple : « ce prix s’entend hors frais de services (en clair, le coût des intégrateurs qui vont nous installer l’ERP low cost), hors frais de dossier (et il en faut des dossiers et des réunions) et hors frais d’enregistrement (et il en faut aussi des heures à écouter les utilisateurs et les maîtres d’ouvrage nous raconter ce qu’ils veulent, ce qu’ils ne veulent pas et ce que peut-être-ce-serait-bien qu’on-ait-ça-si-ça-coûte-pas-trop-cher) ».

    Une stratégie risquée ? Hélas, oui, même si l’on expliquait au comité de direction que lire les dossiers avant les réunions constitue une bonne habitude que tout dirigeant se doit d’avoir. Et même si l’on justifiait que décliner une stratégie utilisée par d’autres ne constitue rien d’autre que l’application de bonnes pratiques. On pourrait se voir rétorquer que notre budget système d’information sera aligné sur les coûts indiqués. Finalement, je préfère charger la note : notre comité de direction est encore habitué à voyager en First Class…

  • Impunité

    Lu dans l’excellent quotidien Les Echos, le 2 janvier 2007 : un premier article titré : « affaire des stocks-options : soutien inconditionnel d’Apple à Steve Jobs ». Et un autre, juste à la page suivante : « Altran : le départ de Christophe Aulnette coûtera plus de deux millions d’euros ». Bigre ! Je n’imagine même pas, dans la presse, des titres concernant les DSI, du style : « Malgré un plantage informatique dévastateur qui a fait plonger le cours de bourse le DSI xx bénéfice d’un soutien inconditionnel de sa direction générale ». Ou encore : « Le départ de Monsieur X, DSI de la société non moins X coûtera deux millions d’euros ». J’imagine même tout le contraire : c’est la porte, sans indemnités ! Voilà des individus qui certes, ont d’immenses qualités, mais ne semblent pas à leur place : l’un a falsifié les dates d’exercice de ses stocks-options (un simple comptable ne se risquerait pas à modifier la date d’une facture, il sait où il finira : au pire à l’ANPE, au mieux, en offshore avec les autres) ; le second a, semble-t-il, été victime de désaccords stratégiques. Il n’a pas dû se renseigner où il mettait les pieds avant d’y aller. Ou alors il a accepté le poste en négociant un confortable parachute doré, ce qu’il a fait.

    On peut regretter que des directions générales se commettent dans des pratiques frauduleuses ou s’embarquent dans des situations dignes d’une cour d’école. Mais nous avons quand même un point commun : les mauvais DSI, comme les mauvais managers, retrouvent presque toujours un poste. On ne citera évidemment pas de noms mais chacun d’entre nous doit en connaître au moins un, à propos duquel on a pensé, même subrepticement : « mais pourquoi l’ont-il recruté, tout le monde sait qu’il n’a pas le niveau ! ». Certes, mais les cabinets de recrutement et les futurs employeurs ne le savent toujours pas. Et c’est tant mieux. Il faut bien que, nous aussi, nous ayons quelques petites compensations pour notre dur métier qui peut être éphémère. On a l’impunité qu’on peut…

  • Les linuxiens se reproduisent

    Comme d’habitude, les mauvaises nouvelles nous parviennent par un canal informel, en l’occurrence radio-moquette, seul média vraiment indépendant de la publicité. « Il paraît qu’il va y avoir des changements à la DSI », susurre-t-on. Et comme d’habitude, les premiers concernés sont les derniers avertis ! Des changements à la DSI ? A la différence des radios traditionnelles, on ne peut pas téléphoner pour connaître la suite du programme. En questionnant les uns et les autres, j’ai appris que notre PDG, Pierre-Henri Sapert Bocoup avait l’idée de me remplacer « par un énarque de ses amis qui se trouve trop à l’étroit comme chef de cabinet du secrétaire d’Etat aux Anciens combattants ».

    Certes, les anciens combattants, je connais, j’ai encore dans mes équipes un certain nombre de cobolistes et de rescapés de la révolution e-business, vous savez, celle où les slogans étaient « il est interdit d’interdire de faire des pertes ». Un énarque à la tête de la DSI de Moudelab & Flouze Industries ? Quelle idée ! Heureusement, j’ai un accès direct au bureau de notre PDG, avantage acquis de haute main en tant que membre du comité de direction. « ne vous inquiétez pas, mon cher Séhiaud, c’est une éventualité pour rendre service à un vieil ami, je n’ai encore rien décidé», me rassure PHSB, qui ajoute : « cela ne changera rien pour vous ». En clair, je continuerai à gérer l’opérationnel et ses désagréments et notre énarque récupérera les lauriers, en tant que super DSI. « Depuis le temps que vous tu lui casses les pieds avec le fait qu’un DSI doit être proche du business et oublier la technique, cela devait arriver…», me dit Hubert Henron, notre DAF, à qui je fais part de mes inquiétudes.

    Il n’a pas tort : je n’ai jamais cessé d’insister sur le fait qu’un DSI qui ne connaît rien à la technologie peut être aussi compétent que celui qui a passé des années à se coltiner des cahiers des charges, à bricoler du code source ou à re-re-re-tester des applications congénitalement bancales. « M’enfin », comme dirait Gaston Lagaffe, ce n’est pas un raison pour me coller un énarque au dessus de moi, même avec une augmentation de salaire à la clé et un budget projets supplémentaire ! Finalement, le recrutement de l’énarque ne s’est jamais faite. Notre PDG s’est aperçu que l’ambiance d’une DSI n’a rien à voir avec celle d’un cabinet ministériel, même si nous aussi, nous avons notre lot de jeux de pouvoir, de placardisés, d’egos surdimensionnés et d’improductifs.

  • Ciel ! Ma fille veut devenir DSI !

    C’est tombé sur moi. Ma fille aînée a enfin choisi sa voie pour l’avenir. Après un DEUG de mathématiques appliquées et sciences sociales, elle a découvert que ce qui lui importait le plus, ce n’est pas l’humain mais la machine. Pourquoi pas ? Si elle estime que les techniciens ont davantage fait avancer le monde que les professeurs de mathématiques…

    Mais elle va plus loin : elle est convaincue que ce sont les DSI qui font vraiment avancer le monde. Un peu avant-gardiste comme conception ! A force d’entendre que notre profession est stratégique et que, sans nous et nos systèmes d’information, les entreprises s’arrêteraient de fonctionner, donc, par définition, l’économie mondiale, elle a été convaincue.

    Je l’avoue, je ne l’ai pas fortement encouragée dans cette voie. Stratégique, d’accord, mais notre métier est aussi tellement ingrat ! Je ne lui ai même pas conseillé d’épouser un DSI. S’il y a bien quelque chose dont j’ai horreur, c’est de parler d’architectures techniques, de consolidation de serveurs, de virus ou des nouvelles versions de logiciels, pendant les repas de famille. Le pire, c’est d’en discuter pendant le repas de réveillon. « Bonne année, bon système d’information ! ». Le cauchemar…

  • ENA

    Comme d’habitude, les mauvaises nouvelles nous parviennent par un canal informel, en l’occurrence radio-moquette, seul média vraiment indépendant de la publicité. « Il paraît qu’il va y avoir des changements à la DSI », susurre-t-on. Et comme d’habitude, les premiers concernés sont les derniers avertis ! Des changements à la DSI ? A la différence des radios traditionnelles, on ne peut pas téléphoner pour connaître la suite du programme. En questionnant les uns et les autres, j’ai appris que notre PDG, Pierre-Henri Sapert Bocoup avait l’idée de me remplacer « par un énarque de ses amis qui se trouve trop à l’étroit comme chef de cabinet du secrétaire d’Etat aux Anciens combattants ».

    Certes, les anciens combattants, je connais, j’ai encore dans mes équipes un certain nombre de cobolistes et de rescapés de la révolution e-business, vous savez, celle où les slogans étaient « il est interdit d’interdire de faire des pertes ». Un énarque à la tête de la DSI de Moudelab & Flouze Industries ? Quelle idée ! Heureusement, j’ai un accès direct au bureau de notre PDG, avantage acquis de haute main en tant que membre du comité de direction. « ne vous inquiétez pas, mon cher Séhiaud, c’est une éventualité pour rendre service à un vieil ami, je n’ai encore rien décidé», me rassure PHSB, qui ajoute : « cela ne changera rien pour vous ». En clair, je continuerai à gérer l’opérationnel et ses désagréments et notre énarque récupérera les lauriers, en tant que super DSI. « Depuis le temps que vous tu lui casses les pieds avec le fait qu’un DSI doit être proche du business et oublier la technique, cela devait arriver…», me dit Hubert Henron, notre DAF, à qui je fais part de mes inquiétudes.

    Il n’a pas tort : je n’ai jamais cessé d’insister sur le fait qu’un DSI qui ne connaît rien à la technologie peut être aussi compétent que celui qui a passé des années à se coltiner des cahiers des charges, à bricoler du code source ou à re-re-re-tester des applications congénitalement bancales. « M’enfin », comme dirait Gaston Lagaffe, ce n’est pas un raison pour me coller un énarque au dessus de moi, même avec une augmentation de salaire à la clé et un budget projets supplémentaire ! Finalement, le recrutement de l’énarque ne s’est jamais faite. Notre PDG s’est aperçu que l’ambiance d’une DSI n’a rien à voir avec celle d’un cabinet ministériel, même si nous aussi, nous avons notre lot de jeux de pouvoir, de placardisés, d’egos surdimensionnés et d’improductifs.

  • Pas copains d’avant

    C’est extraordinaire comme le milieu des fournisseurs est consanguin. La semaine dernière, j’ai eu un appel du patron d’une filiale d’un grand éditeur américain, qui souhaite me donner de ses nouvelles. Et m’informer qu’il a changé de crémerie : il n’est plus chez Meyer Saynou Leymeyer, un éditeur de logiciels « leader sur son marché », mais chez Vazy Jtembrouye, un éditeur de logiciels « leader sur sons marché ». Il tient à m’expliquer la stratégie de sa nouvelle société. « Nos produits répondent à vos besoins… Forcément, puisque nous sommes leader sur notre marché. ! » Evidemment…

    « Et nos logiciels sont bien mieux que ceux de la concurrence ». Je lui répond qu’il me disait la même chose lorsqu’il était chez le concurrent en question. « Oui, mais ce n’est pas pareil ». Evidemment… Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle tout dirigeant de filiale de constructeur ou d’éditeurs de logiciels qui change d’employeur adopte d’emblée le discours commercial comme s’il était tombé dedans quand il était petit. Ce n’est plus une piqûre, c’est carrément une perfusion ! Moi, j’aurais du mal à m’adapter à ce type de situation.
    C’est vrai que, souvent, nous sommes contraints de dire, un jour, le contraire de ce que nous avons affirmé la veille, mais c’est pour la bonne cause : décrocher un budget, se débarrasser d’un fournisseur encombrant et collant, éviter d’augmenter le salaire d’un collaborateur… Mais pour pratiquer l’exercice à l’échelle industrielle (on voit des dirigeants et des commerciaux qui ont fait quasiment tous les fournisseurs du marché), il faut un sacré talent de comédien. Nous, DSI, ne sommes, sur ce terrain, que de modestes intermittents du spectacle…